Le rite catholique-chrétien

Mgr Casimir F. Durand, d.d.
1879-1957

Traduit par Mgr Serge A. Thériault
Publié par la corporation à Ottawa, juin 1997
Texte original écrit en anglais du 21 au 28 août 1928.


Table des matières 

Avant-propos
Vision
Mission
Protestation
Objectifs

Réformer la théologie
Réformer les structures ecclésiastiques
Rétablir l'unité chrétienne

 Résultats

Dogmes
Constitution
Discipline
Liturgie
Domaine politico-ecclésiastique

Autres écrits de Mgr Durand

Essais
Lettres
Poèmes

Avant-propos

Mgr Casimir F. Durand 1 fut chancelier de l'Église et chaplain de Mgr J. René Vilatte (1854-1929), auquel il succéda comme deuxième évêque ordinaire du Rite catholique-chrétien (francophone) d'Églises communautaires (RCCÉC), 2 puis comme quatrième évêque président de la corporation. 3

Entré chez les chanoines réguliers de Saint-Augustin, il vint travailler comme missionnaire dans l'Ouest canadien et le Centre-Ouest américain au début du siècle 4. Il joignit le RCCÉC vers 1909 et fonda au Minnesota l'Église du Sacré-Coeur de Minneapolis.

Son oeuvre comprend des lettres, des poèmes et des essais 5, dont ce texte sur la signification de notre rite, écrit entre le 21 et le 28 août 1928. Le document, qui est toujours d'actualité, nous a été transmis en version anglaise 6, par ses fils jumeaux Paul et René Durand 7. Nous l'avons traduit en français 8 et le communiquons maintenant à l'Église dans la langue maternelle de Mgr Durand, qui est aussi la langue parlée par la majorité de nos membres au Québec.

+Serge A. Thériault, 4e Évêque ordinaire, RCCÉC
responsable du CIIC au Canada

Vision

Nous prônons un renouveau moderne de l'ancien catholicisme, opéré sous l'inspiration du Christ, notre seul Chef. Nous voulons faire disparaître de l'Église les imperfections et les vices qui s'y sont développé au cours des âges.

Mission

Il ne s'agit pas de fonder une nouvelle religion, ni d'envisager un christianisme chimérique, comme cela se fait dans les sectes. Nous aspirons plutôt à vivre comme nos pères et les saints vénérés par leurs ancêtres, dans l'Église fondée par le Christ et annoncée par les apôtres: celle du Nouveau Testament et des écrits des premiers siècles 9. Et cela, en vue d'unir au christianisme présent, celui passé et futur.

Protestation

Nous tenons pour erronés les dogmes de l'infaillibilité doctrinale et de la juridiction universelle de l'évêque de Rome. Nous n'acceptons pas que la dogmatisation de ces erreurs, par le pape et la majorité des membres du Concile du Vatican (1870), suffise à en faire des vérités de foi. La fausseté de ces nouveaux dogmes a été prouvée amplement, à l'aide de l'écriture, de la tradition, de l'histoire des sept conciles oecuméniques 10, et de bien d'autres faits indubitables. Aucune des preuves fournies n'a été sérieusement réfutée par les théologiens catholiques romains. C'est pourquoi nous restons fidèles à la catholicité d'avant le concile et rejetons ces nouveaux dogmes. Nous n'avons formé ni joint une autre dénomination religieuse, mais sommes restés dans l'Église catholique, continuant d'opposer le témoignage universel, constant et unanime de la foi aux nouveautés de Rome.

Cette attitude, et les travaux théologiques sur lesquels nous nous appuyons, ont démontré qu'on a ainsi érigé en dogmes plusieurs autres erreurs faites par des théologiens romains au cours des siècles. Aussi, étendons-nous notre protestation contre les faux dogmes du 18 juillet 1870 à tous les autres dogmes promulgués antérieurement. 11 La découverte des erreurs commises par la papauté, du 9e siècle à aujourd'hui, a donné une nouvelle impulsion et une importance plus grande à notre mouvement.

Objectifs

Nous visons une réforme en profondeur de la théologie, faite sur la base de sources authentiques, à l'encontre des falsifications révélées récemment par de grands théologiens de toutes les églises. Nous voulons aussi réformer les structures ecclésiastiques et rétablir l'unité chrétienne.

Réformer la théologie

Nous avons une méthode stricte de théologie, fondée sur la distinction entre le dogme et la théologie. Le dogme s'entend des paroles du Christ, rapportées dans l'évangile. La théologie est une interprétation faite par les apôtres et les érudits pour que les enseignements du Christ soient acceptés et mis en pratique.

Le Christ est la voie, la vérité et la vie. Il est le seul docteur et le seul maître, ainsi qu'Il l'a déclaré à ses disciples. Il est le seul médiateur et sauveur car Il possède les paroles de vie éternelle. Il est la lumière du monde et lui seul peut imposer sa doctrine, ses décrets, ses dogmes à ses disciples.

Par ailleurs, chaque membre de l'Église a le droit - le devoir même - de comprendre les dogmes du Christ, de voir leur profondeur et leur beauté, et d'en tirer profit pour sa sanctification. Un dogme est une vérité divine enseignée par le Seigneur. La théologie est l'interprétation qu'en donnent les humains et qu'on juge avec notre raison et notre conscience. 12

On distingue le dogme de la théologie en utilisant le critère de catholicité défini par saint Vincent de Lérins: " Est catholique ce qui a Été cru partout, toujours et par tous ". La foi catholique est celle Universelle, constante et unanime". Les Églises chrétiennes ne peuvent se tromper si elles ont toujours cru en la doctrine enseignée par les apôtres. Quant aux interprétations théologiques de la doctrine, elles dépendent de la raison, de la science, de l'histoire et des diverses connaissances dont l'humanité dispose. Ainsi, la foi et la liberté sont réconciliées : la foi qui ne dépend pas des caprices d'écoles mais du témoignage historique et objectif de l'Église, et la liberté de critique ou de raison, propre aux traditions et intérêts religieux de chaque Église particulière.

La foi est le dépôt de tous les préceptes confiés par le Christ à ses disciples. C'est un dépôt qui n'appartient à personne de façon exclusive, mais que chaque Église doit conserver sans omission ni addition. 13 La théologie, quant à elle, appartient à la raison, à l'histoire, à la critique, et elle obéit à des règles établies, comme c'est le cas de toutes les sciences.

La préservation d'un dogme de foi n'est pas la responsabilité exclusive d'un évêque, d'un prêtre ou d'un savant particulier, mais celle de tous les membres de l'Église. Et comme le Christ est le seul maître de son Église, il n'y a pas d'autre règle que lui pour garder sa doctrine et ses préceptes. L'Église n'a pas été instituée pour fonder une religion différente, mais pour préserver et répandre dans le monde celle que le Christ nous a donnée: "allez enseigner toutes les nations". 14 La mission de l'Église est de transmettre les dogmes du Seigneur pour le salut du monde: "observez ce que j'ai commandé". 15 Elle est la gardienne de ses préceptes. Son mandat est de prêcher ce qu'il a communiqué, non d'enseigner les doctrines qui lui plaisent.

L'on se doit de transmettre les enseignements chrétiens contenus dans l'écriture et la tradition de l'Église. C'est le devoir des pasteurs et des Érudits d'expliquer ces enseignement. Celui des croyants en général est d'examiner ces explications et de garder les plus sages et les plus utiles. Le bon sens et l'esprit chrétien qui prévalent dans l'Église devraient favoriser le triomphe final de la vérité sur l'erreur. 16

L'Église n'est pas une chaire académique, à laquelle les inquisiteurs et les imaginatifs soumettent leurs questions, ou celles que Dieu et le Christ n'ont pas cru devoir clarifier. Il revient aux savants d'élucider les mystères de la science, et aux pasteurs de prêcher les vérités transmises par le Christ pour le salut du monde. Les fruits de la foi ne sont pas de découvrir de nouveaux dogmes, ni de compléter la révélation "transmise aux saints" 17. La foi porte du fruit en proportion de la conformité de vie des croyants aux préceptes de leur Seigneur, non par la proclamation de dogmes inconnus. Seul le Christ est la lumière et la vie du monde: l'Église doit rester son humble servante.

Réformer les structures ecclésiastiques

Nous tentons d'être l'Église que le Christ veut qu'on soit. Il a établi une hiérarchie pour aider les croyants, non pour dominer sur eux. C'est un service, non une autorité car il n'y a pas d'IMPERIUM dans l'Église 18. L'obéissance des disciples doit être raisonnable, non servile 19. Si quelqu'un veut être le premier, cela doit être pour servir ses frères et soeurs, non pour leur donner des ordres. On doit nourrir le troupeau; le conduire vers de bons pâturages; non le rendre esclave par de faux dogmes ou l'exploiter par des superstitions.

Les responsabilités premières des pasteurs sont d'ouvrir la conscience des croyants et de faciliter son illumination; d'agir comme s'ils étaient d'autres Christ. 20 Le Seigneur a adopté une position ferme à l'endroit des pharisiens, mais Il n'a pas chargé ses disciples de rejeter leurs frères et soeurs, ni de les excommunier ou de leur jeter des sorts.

La mission de l'Église est essentiellement religieuse et spirituelle. Le Christ ne lui a pas donné d'autorité mondaine ou temporelle. Et aux apôtres et disciples qu'il s'est choisis, Il a laissé des règles strictes afin qu'ils soient des exemples pour le troupeau. Les premiers évêques étaient des intendants ou surveillants, non des maîtres. 21

L'Église primitive était regroupée sous un seul chef et seigneur: le Christ. Les pasteurs et les autres croyants formaient un seul corps et une seule âme. Et si une dispute survenait, c'est l'Église locale qui restaurait la paix. 22

Graduellement, des liens de fraternité et de charité se sont formés entre les diverses Églises locales, et des synodes 23 sont apparus avant même qu'on parle de conciles généraux. On voit qu'il faut ramener à sa signification première, non seulement le rôle de l'épiscopat, mais aussi ceux du synode et du concile. Le Vatican a dit de son soi-disant concile oecuménique 24 qu'il représentait toute l'Église et pouvait lui être assimilé. On lui a attribué des droits qu'il n'a pas, comme d'être la juridiction suprême, universelle et absolue, incluant le privilège de l'infaillibilité, avec les conséquences que l'on sait. 25

Nous travaillons à ramener au sens qu'ils ont dans l'Écriture et les anciennes traditions, les concepts de pasteur, d'évêque, de synode, de concile, d'autorité ecclésiastique et d'infaillibilité. L'Église est de constitution monarchique mais c'est à cause du Christ-Roi, son seul monarque. Dans la pratique, elle est une simple société humaine 26 devenue, avec le temps, une " république " universelle. Ce serait déformer le rôle des premiers évêques que de le présenter comme autocratique car les paroles mêmes de saint Pierre s'y opposent.

Le siège de Rome a éventuellement acquis une certaine primauté parce que la ville est devenue la capitale de l'empire romain. Mais c'est une primauté d'honneur, non de juridiction. Le Christ n'a pas pris un de ses disciples pour l'ériger en maître au-dessus des autres. Quand Il a dit à Pierre de paître ses agneaux et son troupeau, c'était pour le rétablir dans sa fonction épiscopale: une fonction dont il s'était montré indigne en déniant son seigneur. Comme il s'en est repenti, il méritait d'être réinstallé et il l'a été. Mais c'est une erreur de transformer cette réinstallation en une exaltation au-dessus des autres. On a changé la constitution de l'Église par de grossières erreurs d'interprétation de textes, puis la politique et les ambitions des évêques de Rome ont fait le reste.

Tel est l'esprit dans lequel nous travaillons à restaurer la vraie conception de l'Église et à réaliser, " in capite et in membris ", une réforme ecclésiastique devenue nécessaire.

Rétablir l'unité chrétienne

Notre réforme ecclésiale serait imparfaite si elle n'impliquait le rétablissement de l'union entre les Églises séparées. On a dit avec raison qu'il est aussi difficile de voir le Christ derrière l'Église que d'imaginer le soleil dans l'obscurité de la nuit. Dès le commencement de notre oeuvre, on a voulu travailler au Rétablissement de l'unité chrétienne. Certains efforts sont connus 27 et ont produit des réconciliations notables entre Églises, même si elles ne sont pas officiellement sanctionnées par les autorités. 28

Il semble évident que l'on n'obtiendra pas l'union organique d'abord imaginée. C'était une chimère à cause des besoins de toutes sortes qui prévalent parmi les nations et font partie de la nature humaine. Ce qu'on va plutôt obtenir, c'est un retour à l'union spirituelle des origines de l'Église: le " lien de la paix "29 capable de produire la véritable fraternité chrétienne dans le monde.

Il y a - on le sait maintenant - des aspects essentiels sur lesquels les Églises doivent construire leur unité et d'autres, secondaires, qui sont à conserver pour préserver l'autonomie et le caractère distinct de toutes et chacune 30. Quand toutes s'aimeront et travailleront ensemble au bien-être social, loin de l'anthropomorphisme et de la politicaillerie, spirituellement unies au Christ, pour que Dieu règne dans les consciences, alors l'union sur les points en litige pourra se faire. 31

Résultats

Nos efforts de Réforme ont donné les résultats dogmatiques, constitutionnels, disciplinaires, liturgiques et politico-ecclésiastiques que voici.

Dogmes

Nous avons rejeté et réfuté les dogmes de l'infaillibilité doctrinale et de la juridiction absolue du pape sur toute l'Église, et d'autres faux dogmes romains comme le Syllabus errorum 32. Nous avons également

Constitution

Nous ramenons le pape à son rôle premier, soit celui de " primus inter pares " 36, loin des ambitions politiques, et voué entièrement à sa vocation essentielle, qui est de nature religieuse. A cela s'ajoutent:

Discipline

Nous reconnaissons à chaque Église individuelle le droit

Liturgie

Nous avons ramené les sacrements à leur vrai sens:

Nous avons également rétabli l'usage du culte en langue vernaculaire et de la confession générale, et nous avons supprimé les indulgences papales.

Domaine politico-ecclésiastique

Enfin, nos Églises sont indépendantes de Rome et affranchies de toute ingérence car nous sommes des sociétés religieuses, non des organisations politiques.

Bibliographie

Autres écrits de Mgr Durand

Essais

Lettres

Poèmes

Notes